C'était un vaillant mécano
Vivant presque dans la misère
Qui voulait donner à sa mère
Un peu d'aisance et de repos
Pour tenter certain jour la chance
Sur un biplan monté par lui
Le cÂœur fiévreux, plein d'espérance
Il s'engagea dans un circuit
Et joyeux sortant du hangar
Il disait, quand vint le départ :
C'est pour toi que j' m'envole
Ô ma vieille maman
Pour qu'un peu d'or console
Un jour tes cheveux blancs
Du danger qui t'affole
Je serai le vainqueur
Car c'st avec mon cÂœur
Que pour toi je m'envole
Il triompha ! Ce fut d'un coup
Pour sa mère et lui la fortune
Mais d'une courtisane brune
Depuis ce jour il était fou,
La belle fille aux yeux de flamme
Avait dit après son exploit :
Si tu veux que je sois ta femme
Gagne encore et je suis à toi
Et, voulant battre un bon record
Il chantait, prenant son essor :
C'est pour toi que j' m'envole
Ô ma brune Lison
Car ton serment frivole
A troublé ma raison
Du tournoi qui m'affole
Je serai le vainqueur
Car c'est de tout mon cÂœur
Que pour toi je m'envole
Mais, de là-haut, l'homme volant
Arrivant au dernier virage
Aperçoit Lison, la volage
Riant au bras d'un autre amant
Alors il devient fou de rage
La tête en feu, le cÂœur broyé,
D'un geste il coupe l'allumage
Et vient s'écraser à ses pieds
Et Lison, prise de remords
Croit lire au fond des grands yeux morts :
C'est pour toi qu'elle s'envole
Ma pauvre âme aux abois
Vous étiez mes idoles
Ma vieille mère et toi
Si maman devient folle
Pour calmer sa douleur
Dis-lui que vers son cÂœur
Mon âme vole, vole